J’ai pas mal vagabondé en mon temps, me voilà devenu bête et flétri. Mais je n’ai pas cette croyance sénile et perverse d’être devenu plus sage que je n’étais. Et j’espère du reste que je ne deviendrai jamais sage. C’est un signe de décrépitude. Quand je remercie Dieu de la vie, ce n’est pas en vertu d’une plus grande maturité qui est venue avec l’âge, mais parce que j’ai toujours eu de la joie à vivre. L’âge n’apporte aucune maturité, l’âge n’apporte rien d’autre que la vieillesse.
Un vagabond joue en sourdine est, après Sous l’étoile d’automne, le deuxième roman qu’Hamsun consacra à son double fictionnel, Knut Pedersen. Sans amertume, il y dresse le constat de l’absurdité de la vie bourgeoise et d’à peu près toute littérature. Tour à tour manœuvre, bûcheron, flotteur de bois, il se fait spectateur passif du tumulte du monde, s’interdisant par là de protéger la femme qu’il chérit – mais peut-être n’y a-t-il là qu’inévitable résignation à notre fragilité, et à notre fondamentale impuissance ?