Artaud rencontre Génica Athanasiou en 1921, alors qu’ils sont tous deux acteurs dans la troupe du Théâtre de l’Atelier ; elle sera son grand amour.
Artaud est alors un jeune poète qui n’a rien publié, ou presque : c’est durant leur relation qu’il noue des liens avec la N.R.F., les surréalistes, Abel Gance ou Carl Dreyer, et qu’il vit une grande partie de sa carrière d’acteur, au théâtre et au cinéma.
Déjà ses problèmes psychiatriques et de toxicomanie envahissent sa vie personnelle ; Génica soutiendra contre eux une lutte perdue d’avance.
Cette correspondance amoureuse, tantôt sublime, tantôt déchirante, est le vivant témoignage d’une passion, tout autant que celui de la descente aux enfers d’une des figures les plus complexes des avant-gardes françaises du XXe siècle.
En novembre 1947, Artaud enregistre pour la Radiodiffusion française, une émission intitulée Pour en finir avec le jugement de dieu.
Le texte écrit pour l’occasion est lu par Roger Blin, Maria Casarès, Paule Thévenin et Artaud lui-même. L’auteur enregistre après coup un certain nombre de cris de diverses intensités, des bruitages, et improvise un accompagnement musical à plusieurs de ses scansions au moyen d’instruments de percussion et de xylophones.
L’émission doit être diffusée le 2 février 1948. Alerté par la presse qui se réjouit du scandale à venir, Wladimir Porché, directeur général de la Radiodiffusion française, interdit la diffusion au dernier moment, le 1er février.
Malgré le soutien d’un comité de journalistes, d’artistes, d’écrivains, de musiciens (parmi lesquels Max-Pol Fouchet, Raymond Queneau, Pierre Herbart, Roger Vitrac, Georges Ribemont-Dessaignes, Jean-Louis Barrault, Louis Jouvet, Jean Cocteau, René Clair, Paul Éluard, Jean Paulhan, Maurice Nadeau, Georges Auric, René Char, Adrienne Monnier…), l’émission n’est pas diffusée.
Le texte paraît quelques mois plus tard, au printemps 1948, à titre posthume, aux éditions K, dirigées par Alain Gheerbrant.
Avec le texte de l’émission, nous reproduisons le Théâtre de la Cruauté, des Lettres à propos de Pour en finir avec le jugement de dieu et les États préparatoires de Pour en finir avec le jugement de dieu.
On dit,
on peut dire,
il y en a qui disent
que la conscience
est un appétit,
l’appétit de vivre ;
et immédiatement
à côté de l’appétit de vivre,
c’est l’appétit de la nourriture
qui vient immédiatement à l’esprit ;
comme s’il n’y avait pas des gens qui mangent
sans aucune espèce d’appétit ;
et qui ont faim.