Ramón del Valle-Inclán

Ramón del Valle-Inclán aux éditions Sillage :

valleinclan28 octobre 1866 : Naissance de Ramón José Simón Valle Peña, à Villanueva de Arosa, dans la province de Pontevedra, en Galice. Le pays de son enfance laissera une empreinte profonde sur son œuvre. Ses parents sont issus de la noblesse locale ; son père est un libéral.

1877-1885 : Études secondaires à Pontevedra.

1885 : Part étudier le droit à l’Université de Saint-Jacques-de-Compostelle.

1890 : Mort de son père, dont il empruntera une partie du patronyme pour signer ses œuvres du nom de Ramón María del Valle-Inclán. Il met fin à une très brève carrière d’avocat, imposée par la volonté paternelle, et retourne à Pontevedra.

1892 : Premier voyage au Mexique, où il reste près d’un an, publiant des chroniques dans un journal de la capitale.

1894 : Publication de Femeninas, son premier ouvrage, recueil de nouvelles à la tonalité galante. L’auteur subit alors l’influence de Maupassant, Bourget, Barbey d’Aurevilly et D’Annunzio. Ce recueil ne connaît qu’un succès local et sera exclu par l’auteur de ses œuvres complètes.

1895 : Ramón María del Valle-Inclán s’installe à Madrid. Il se crée rapidement une légende, arborant bésicles, barbe et cheveux longs. Son insolence et sa verve feront de lui une des figures marquantes de la bohème littéraire espagnole de la « génération de 98 ».

1897 : Publie Epitalamio, court récit d’une inspiration semblable à celle de Femeninas et que l’auteur désavouera également.

1899 : Lors d’une rixe dans un café, Valle-Inclán est blessé d’un coup de parapluie par le journaliste Manuel Bueno. La blessure s’infectant, l’auteur perd son bras gauche – le parallèle avec Cervantès, manchot suite à la bataille de Lépante, ne manquera pas d’être établi. Valle-Inclán s’amusera longtemps à donner de nombreuses explications, toutes aussi fantaisistes les unes que les autres, à la perte de son bras.

1901 : Entame une collaboration au supplément littéraire d’El Imparcial, grand quotidien national.

1902-1905 : Publication de ses Sonatas, qui rencontrent le succès et sont considérées comme un monument de la prose moderniste. Ces quatre « sonates » sont présentées comme les mémoires imaginaires du marquis de Bradomín, « un don Juan admirable, laid, catholique et sentimental ». Le personnage, grande figure de l’œuvre de l’auteur, apparaîtra à nouveau dans Jardín umbrío ainsi que dans La Guerra carlista.

1903 : Jardín umbrío (Jardin ombreux), contes galiciens.

1904 : Flor de santidad (Fleur de sainteté), court roman.

1907 : Épouse l’actrice Josefina Blanco. Publie un recueil de poèmes, Aromas de leyenda, et sa comédie El Marquès de Bradomín (Le Marquis de Bradomín). Parution également de la première des Comedias bárbaras (Comédies barbares) : Águila de bláson. Il y ajoutera Romance de lobos l’année suivante, puis Cara de Plata en 1922. Ces œuvres marquent l’apparition des personnages de Don Juan Manuel Montenegro et Cara de Plata.

1908 : Naissance de son premier enfant. Le couple aura, en quinze ans, trois filles et trois garçons. Parution du premier volume de La Guerra carlista (La Guerre carliste), Los Cruzados de la Causa (Les Croisés du Roi). Les deux suivants, El Resplandor de la hoguera (La Lueur du brasier) et Gerifaltes de antaño (Comme un vol de gerfauts…) paraissent en 1909.

1910 : Des rumeurs laissent entendre que Valle-Inclán pourrait se présenter aux élections législatives, dans les rangs des carlistes, dont il est proche, étant fortement critique à l’égard de la monarchie constitutionnelle et de la Restauration. Voyage en Amérique du Sud avec la compagnie théâtrale de Guerrero Mendoza, dont il est directeur artistique. À partir de cette date, l’œuvre de Valle-Inclán laissera une très large place au théâtre.

1916 : À l’invitation du gouvernement français, il visite le front et écrit des chroniques de guerre.

1917 : Nommé à la chaire d’esthétique de l’École des Beaux-arts de Madrid, il démissionne au bout de quelques jours.

1919 : Deuxième recueil de poèmes : La Pipa de kif.

1920 : Troisième recueil de poèmes : El Pasajero. Publication en revue de la pièce Luces de bohemia (Lumières de bohème), qui marque l’apparition d’une nouvelle manière chez l’auteur, celle de l’esperpento (en espagnol : « épouvantail » ou « repoussoir »), marqué par une vision grotesque et caricaturale de la réalité.

1921 : Nouveau voyage au Mexique. Il assiste, aux côtés du président, aux fêtes commémorant la révolution, prononce des conférences et affiche des opinions anticolonialistes marquées.

1923 : Le général Primo de Rivera s’installe au pouvoir.

1926 : Publication de Tirano Banderas, roman dressant le portrait de Santos Banderas, dictateur fictif. Il s’agit du premier portrait littéraire d’un dictateur sud-américain.

1927 : Publication de La Corte de los milagros (La Cour des miracles), premier volume de la trilogie d’El Ruedo ibérico (La Tour ibérique), le deuxième, Viva mi dueño (Vive mon maître), paraissant l’année suivante et le troisième (Baza de espadas, inachevé) ne paraissant qu’à titre posthume en 1958. Ce grand cycle romanesque, qui devait comprendre trois trilogies et couvrir la période allant de la révolution de 1868 à la restauration des Bourbons, restera inachevé, problèmes de santé et situation financière difficile empêchant l’auteur de poursuivre au-delà des trois premiers romans.

1929 : L’opposition de Valle-Inclán à la dictature de Primo de Rivera lui vaut d’être arrêté.

1930 : Martes de Carnaval, recueil de trois farces dont les héros sont des officiers supérieurs.

1931 : Valle-Inclán se présente aux élections législatives, sur les listes du parti républicain.

1933 : Nommé directeur de l’Académie espagnole des Beaux-Arts, à Rome.

1935 : Il rentre en Galice pour raisons de santé.

1936 : Il meurt à Saint-Jacques-de-Compostelle le 5 janvier.


Repères bibliographiques

 

Les trois romans de La Guerra carlista furent publiés en feuilleton dans le journal libéral El Mundo au cours des années 1908-1909, avant de paraître chacun en volume. Los Cruzados de la Causa (Les Croisés du Roi) parut en 1908 à Madrid, chez Balgañon y Moreno, El Resplandor de la hoguera (La Lueur du brasier) et Gerifaltes de antaño (Comme un vol de gerfauts…) en 1909, à Madrid également, chez Primitivo Fernández.

La trilogie figure dans le deuxième volume des Obras completas.

Œuvres en espagnol

Opera omnia, Madrid, 1913-1930, 22 vol. Entreprise du vivant de l’auteur, cette édition resta incomplète. Elle parut chez divers éditeurs : Perlado, Páez y Cía, SGEL, Renacimiento, Rivadeneyra, Companía Ibero-Americana de Publicaciones, etc. L’éditeur Rúa Nova la reprit en intégralité sous le titre : Opera omnia, Madrid, 1941-1943, 24 vol.

Obras completas, Madrid, Editorial Plenitud, 1944, 2 vol. (3e éd., 1954).

Œuvres traduites en français

Amours étranges, traduit par A. Glorget, Paris, Éditions de Paris, 1947.
Les Amours du marquis de Bradomín, traduit par A. Glorget, Paris, Stock, 1950.
Le Marquis de Bradomín, suivi de Lumières de bohème et du Retable de l’avarice, de la luxure et de la mort, traduits par M. Jaworski, J. Worms, J. Camp et R. Marrast, Paris, Gallimard, 1965.
La Guerre carliste (Les Croisés du Roi, La Lueur du brasier, Comme un vol de gerfauts…), traduits par B. Sesé et M. Lacoste, Paris, Gallimard, 1966.
Fleur de sainteté, traduit par M.-E. Coindreau, Paris, Gallimard, 1967.
Jardin ombreux, traduit par B. Sesé, Paris, Gallimard, 1968.
La Marquise Roselinde, traduit par B. Sesé, Paris, Gallimard, 1968.
Tréteau de marionnettes, traduit par R. Marrast et P. Darmangeat, Paris, Gallimard, 1971.
Tirano Banderas, traduit par C. Fell, Paris, Flammarion, 1979 (rééd. Points Seuil, 1991)
Divines Paroles, traduit par M.-E. Coindreau, Paris, Gallimard, 1963 ; traduit par J.-M. Broucaret, Arles, Actes Sud, 1989.
Comédies barbares, traduites par A. Llamas, Arles, Actes Sud, 1991.
Sonates : mémoires du marquis de Bradomín, traduit par Anthony Bellanger, Paris, Exils, 2003.

Biographies et bibliographies

Barcia Rubia José, A Bibliography and Iconography of Valle-Inclán, Berkeley, University of California Press, 1960.
Díaz Plaja Guillermo, Las Estéticas de Valle-Inclán, Madrid, Gredos, 1965.
Fernandez Almagro Melchor, Vida y literatura de Valle-Inclán, Madrid, Editora Nacional, 1943 (rééd. 2007).
Gómez de la Serna Ramón, Don Ramón Maria del Valle-Inclán, Buenos Aires, Espasa Calpe, 1944 (rééd. 2007).
Serrano Alonso Javier et Juan Bolufer Amparo de, Bibliografía general de Ramón del Valle-Inclán, Saint-Jacques-de-Compostelle, Université de Saint-Jacques-de-Compostelle, 1995.
Valle-Inclán Joaquín del et Valle-Inclán Javier del, Bibliografía de Dn. Ramón María del Valle-Inclán : 1888-1936, Valence, Pre-Textos, 1995.

Études critiques en français

Lavaud Éliane, Valle-Inclán, du journal au roman, Paris, Klincksieck, 1980.
Lavaud Éliane et Lavaud Jean-Marie, Valle-Inclán, un espagnol de la rupture, Arles, Actes Sud, 1991.
Le Scoëzec Masson Annick, Ramón del Valle-Inclán et la sensibilité « fin de siècle », Paris, L’Harmattan, 2000.
Martinez Thomas M., Valle-Inclán, père mythique : le théâtre espagnol des années 60 face à l’esperpento, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 1993.

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Note historique sur les guerres carlistes

 

En 1830, quand naît sa fille Isabelle, Ferdinand VII, roi d’Espagne sans descendance mâle, fait abroger la loi salique. Il meurt trois ans plus tard. Isabelle II monte alors sur le trône, sa mère, Marie-Christine, exerçant la régence. Don Carlos de Bourbon, frère du roi défunt, revendique la couronne sous le nom de Charles V.

À cette querelle dynastique se mêle un conflit idéologique. Isabelle II bénéficie du soutien des libéraux, favorables à la monarchie constitutionnelle. Charles V, chassé d’Espagne, reçoit l’appui des milieux absolutistes, traditionalistes et cléricaux. Le mouvement carliste compte également de très nombreux partisans en Biscaye, Navarre, Aragon et Catalogne, provinces ayant conquis divers privilèges et libertés, les fueros, au cours des siècles passés, et qui voient d’un mauvais œil les réformes centralisatrices du pouvoir libéral. La première guerre carliste dure près de sept ans, de 1834 à 1840, et s’achève par une victoire de la reine et de ses partisans. Cependant la situation politique demeure instable : le parti de la reine apparaît lui-même divisé et les coups d’État se succèdent, un régent chassant l’autre.

En 1845, Charles V abdique en faveur de son fils, qui déclenche aussitôt la deuxième guerre carliste. Elle dure jusqu’en 1849.

En 1868, un ultime coup d’État contraint Isabelle II à l’exil. Le général Prim fait voter une nouvelle constitution l’année suivante. En 1870, le prince Amédée de Savoie est élu roi d’Espagne par les Cortès.

En 1872, Charles VII, petit-fils de Charles V, déclenche la troisième guerre carliste, décrite par Valle-Inclán dans sa trilogie. Incapable de régner, Amédée de Savoie abdique en 1873. La Première République est proclamée, mais elle ne connaît qu’une existence éphémère : l’année suivante voit l’accession au trône du fils d’Isabelle II, Alphonse XII. Ce dernier s’attache à affermir la monarchie et à combattre les dernières armées carlistes, qui sont défaites en 1876.

Le mouvement carliste sort très affaibli de cette troisième guerre et se cantonne dans ses bastions traditionalistes et absolutistes. En 1936, les carlistes se rallieront au franquisme – non sans discussion. Le carlisme existe encore aujourd’hui en Espagne, sous la forme de deux partis violemment opposés, le premier considéré comme d’extrême droite, l’autre appartenant à la gauche alternative, fédéraliste et autogestionnaire.

Ces jalons historiques ne doivent pas faire oublier que Valle-Inclán se soucie peu d’exactitude historique. Les trois romans qui composent La Guerre carliste se déroulent en Galice, mais les noms de lieux sont imaginaires. De même, si l’on peut supposer que les événements décrits ont pour toile de fond la troisième guerre carliste, il est difficile de déterminer à quel moment précis de la guerre ils surviennent. Les Croisés du Roi a-t-il pour cadre l’Espagne du roi Amédée de Savoie ou celle de la République ? Les personnages font allusion tantôt à l’une, tantôt à l’autre. Seule l’existence du personnage de Santa-Cruz est avérée, mais les historiens ne disposent que de peu d’informations à son sujet, et le rôle qu’il joua pendant la guerre reste obscur.

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