Ivan Tourguéniev

Ivan Tourguéniev aux éditions Sillage :

tourgueniev1818 : Le 19 novembre, naissance à Orel d’Ivan Tourguéniev, deuxième fils d’un aristocrate peu fortuné, Serge Nikolaïevitch, et de Barbe Pétrovna, propriétaire d’un très vaste domaine, sensiblement plus âgée que son mari.

1821 : La famille s’installe au village de Spasskoïé, sur le domaine maternel. Au cours des deux années suivantes, grand voyage en Europe. L’enfance de Tourguéniev n’est peut-être pas très heureuse : ses parents ne s’entendent guère et sa mère se comporte en tyran avec ses enfants ou ses serfs.

1833 : L’été, en villégiature, Tourguéniev tombe amoureux d’une voisine, qui devient la maîtresse de son père – cet épisode inspirera la nouvelle Premier amour.

1833 : En octobre, il entre à l’Université de Moscou pour y étudier la philologie.

1834 : Automne-hiver : il rédige un poème imité de Manfred. Le 11 novembre, mort de son père.

1835 : Tourguéniev entre à l’Université de Saint-Pétersbourg. Il suit un cours d’histoire donné par Gogol.

1838 : En mai, il prend la mer pour Stettin, accompagné de Porphyre Timoféïévitch. Ce dernier, qu’il considère comme son secrétaire et son ami, est un serf, fils naturel de son père. Il arrive à Berlin où il étudie la philosophie hégélienne. Il publie une nouvelle dans Le Contemporain.

1839 : Il a une liaison avec Mme Tiouttchev, mère de quatre enfants, qui meurt au printemps. Il rend visite à sa mère à l’automne et passe la fin de l’année à Saint-Pétersbourg.

1840 : Voyage en Italie puis retour à Berlin où il se lie avec Michel Bakounine.

1841 : Après la fin de son second semestre à l’Université de Berlin, il revient à Spasskoïé mais se querelle fréquemment avec sa mère qui refuse d’émanciper Porphyre Timoféïévitch. Il devient l’amant d’Avdotia Ivanov, couturière de sa mère. Cette dernière finit par la chasser. En octobre, il séjourne chez les Bakounine, près de Moscou, et s’éprend de Tatiana, la sœur de Michel.

1842 : Relations platoniques et tumultueuses avec Tatiana Bakounine. En avril, à Saint-Pétersbourg, il prépare sa maîtrise de philosophie. En mai, Avdotia Ivanov accouche d’une fille, Pélagie. En juillet, renonçant à sa maîtrise, il passe l’été à Berlin.

1843 : En avril, parution de Paracha, long poème narratif. En août, rupture avec Tatiana Bakounine. Au mois de novembre, il fait la connaissance de Louis Viardot. Ils traduiront ensemble plusieurs œuvres de Tourguéniev. Il s’éprend de Pauline, la femme de Viardot, célèbre cantatrice et sœur de la Malibran.

1844 : Tourguéniev occupe un poste au ministère de l’Intérieur. Publication d’André Kolossov dans Le Contemporain.

1845 : Ayant démissionné du Ministère, il gagne la France et séjourne à Courtavenel (Seine-et-Marne), dans le château des Viardot. En novembre, de retour à Saint-Pétersbourg, il rencontre Dostoïevski.

1846 : Travaille avec ardeur et publie en revue poèmes, nouvelles, comptes-rendus et traductions. Il entame une correspondance avec Pauline Viardot.

1847-1849 : Il est de retour à Paris auprès de Pauline Viardot. On lui présente Sand, Mérimée, Musset, Chopin et Gounod. En février 1848, il assiste à la chute de Louis-Philippe. En juin, il devient l’amant de Pauline Viardot. Sa mère cesse de lui envoyer de l’argent. Il écrit et travaille davantage, publiant des poèmes, des chroniques, des comptes-rendus.

1850 : Il termine le Journal d’un homme de trop. En juin, après trois ans d’absence, il est de retour en Russie, au chevet de sa mère malade et se brouille avec elle. Il retrouve sa fille Pélagie, à laquelle il n’avait jamais accordé d’attention. Il l’appelle désormais Pauline et la confie à Pauline Viardot, qui l’élèvera avec ses enfants. En novembre, mort de sa mère ; l’auteur est, au moins pour un temps, à l’abri de difficultés financières.

1851 : Vie mondaine active à Moscou et Saint-Pétersbourg. Liaison avec une servante de ses cousins, qu’il rachète et libère.

1852 : En mars, mort de Gogol. L’article nécrologique qu’il rédige est jugé trop subversif. L’auteur est envoyé en exil sur ses terres. En août paraît avec grand succès le recueil Mémoires d’un chasseur, qui contient des descriptions de la très dure condition des serfs.

1853 : En avril, séjour clandestin à Moscou, où il retrouve Pauline Viardot. Leur correspondance cesse après cette rencontre. Il se lance dans un grand roman, Deux générations, dont il détruira le manuscrit quatre ans plus tard. En décembre, il est autorisé à gagner Moscou et Saint-Pétersbourg.

1854 : Au printemps, brève idylle avec la fille de son cousin, Olga, qui inspirera le personnage de Tatiana dans Fumée. Il publie Moumou, portrait inspiré de sa mère, dans Le Contemporain. L’année suivante paraît sa pièce Un mois à la campagne. Il héberge le jeune Léon Tolstoï, qu’il contribue à lancer.

1856 : Publication de Roudine dans Le Contemporain. Première brouille avec Tolstoï. En juin, autorisé à gagner l’étranger, il se rend en France auprès des Viardot et rencontre Hugo, Lamartine et Leconte de Lisle. Après deux mois idylliques, Pauline Viardot lui annonce une autre liaison. Ils rompent pour six ans.

1857 : Souffrant moralement et physiquement, Tourguéniev détruit en février tous ses travaux en cours. À Londres, il rencontre Carlyle, Thackeray et Disraëli. En octobre, il gagne l’Italie où il termine son roman Nid de gentilhomme.

1858 : Son état de santé s’améliore. Il retourne à Saint-Pétersbourg. Ses relations se détériorent à nouveau avec Tolstoï, qui lui reproche ses opinions progressistes.

1859-1860 : Vie nomade entre l’Europe et la Russie. Tourguéniev, qui publie Premier amour et commence à travailler à Pères et fils, est au sommet de sa carrière. Rupture avec Le Contemporain qui, devenu la tribune des jeunes radicaux, lui est hostile.

1861 : En février, abolition du servage. Retourne en Russie pour l’été, puis revient à Paris. Une nouvelle dispute avec Tolstoï manque de se terminer par un duel.

1862 : En janvier, réconciliation avec Tolstoï, suivie d’une amitié distante. À Londres, il retrouve Bakounine, évadé de Sibérie, auquel il fournit une aide financière. La publication de Pères et fils, en mars, lui attire des réactions hostiles de la part des étudiants russes et de la critique progressiste ; Dostoïevski est enthousiaste.

1863 : Ses sympathies politiques lui valent d’être impliqué en Russie dans le procès des « trente-deux ». Il est notamment compromis par l’aide qu’il a apportée à Bakounine, mais sera mis hors de cause l’année suivante. Il rompt en revanche avec Bakounine, Herzen et leur entourage. Les controverses qui l’opposent à eux inspireront une part importante de Fumée, des discours de Potouguine à la description du cercle de Goubariov.

1864 : Il rejoint les Viardot à Baden-Baden.

1865 : Problèmes financiers consécutifs à la constitution de la dot de sa fille, à la construction d’une maison à Baden et à la mauvaise gestion par son oncle du domaine de Spasskoïé. En novembre, il entame la rédaction de Fumée, qui l’occupe pendant plus d’un an.

1867 : La parution de Fumée lui aliène les milieux religieux et patriotes, mais aussi slavophiles ou révolutionnaires… L’auteur a alors perdu beaucoup de son audience en Russie. Brouille définitive avec Dostoïevski.

1868 : Travaille à des Souvenirs littéraires et compose des opérettes avec Pauline Viardot.

1870 : La guerre éclate entre la France et la Prusse. Tourguéniev suit les Viardot à Londres.

1871 : Il s’installe avec les Viardot à Paris, où il se lie avec Zola, les Goncourt et Flaubert, qui devient son ami intime.

1874 : Publication de Terres vierges, son dernier grand roman, qui est un échec en Russie : on lui reproche d’avoir perdu le contact avec la réalité du pays. Traduit en huit langues, ce roman connaît un immense succès dans le reste de l’Europe.

1875 : Malgré une quasi ruine, Tourguéniev achète avec Louis Viardot une villa à Bougival. Il rencontre Henry James, qui l’admire.

1878 : Rédaction de poèmes en prose qui ne paraîtront qu’à titre posthume.

1879 : À l’occasion d’un séjour en Russie, il est salué par de jeunes écrivains et ovationné après la représentation d’une de ses pièces. Il s’éprend de la jeune actrice Marie Savine. En mai 1880, l’annonce de la mort de Flaubert lui cause un chagrin très vif. En juillet, il est de retour à Bougival.

1881 : Au printemps, il séjourne une dernière fois en Russie.

1882 : Il commence à souffrir d’un cancer de la moelle épinière. Les Viardot sont auprès de lui durant le développement de sa maladie.

1883 : Le 5 mai, décès de Louis Viardot. Le 3 septembre, Tourguéniev, veillé par Pauline Viardot, s’éteint à Bougival. Le 9 octobre, ses obsèques à Saint-Pétersbourg rassemblent une foule considérable, en dépit de l’opposition des autorités.


Bibiographie

Fumée

Fumée parut en avril 1867 dans le numéro 3 de la revue Le Messager russe. Des coupes y avaient été pratiquées, la plupart des personnages étant inspirés par des figures en vue. (C’est notamment le cas pour le personnage d’Irène, pour le général Ratmirov et son entourage, pour Goubariov et ses admirateurs.) Fumée parut pour la première fois en volume en novembre 1867, aux éditions Salaïev, à Moscou, dans sa version intégrale.

Traductions de Fumée

Fumée, trad. par A. Golitsyne, revue par Prosper Mérimée et l’auteur, Paris, Hetzel, 1868 (rééd. Paris, Stock, 1986).
Fumée, trad. par Édith Scherrer, in Romans et nouvelles complets, vol. II (voir infra).

Note sur la traduction

La première traduction de Fumée parut entre juillet et octobre 1867, en trois livraisons, dans Le Correspondant. Elle était l’œuvre du prince Augustin Golitsyne, Russe francisé et catholique, très proche des milieux jésuites et par ailleurs actionnaire du journal. Il n’avait qu’une connaissance approximative du français, et souhaitait supprimer des passages qu’il trouvait osés. Tourguéniev avait obtenu de lui que Prosper Mérimée relise de près sa traduction, afin de restituer les passages manquants, de corriger les contresens, les erreurs et les fautes de syntaxe – la correspondance des deux écrivains témoigne d’une lutte menée pied à pied.

Le prince Golitsyne ne tint pour finir presque aucun compte de leurs avis. Le 23 septembre, Mérimée écrivait à l’une de ses proches, Mme de Montijo : « Je passe mon temps ici à corriger les épreuves d’un roman de mon ami Tourguéneff, qu’a traduit un prince Galitzine pour Le Correspondant. Vous savez que c’est un journal ultra-catholique. Le prince Galitzine supprime les passages un peu scabreux et moi je les rétablis. Je ne sais à qui de nous deux restera la victoire, mais j’espère bien scandaliser les douairières qui lisent Le Correspondant. »

Les corrections de Tourguéniev et de Mérimée ne furent intégrées au texte qu’en mars 1868, lors de la publication en volume de Fumée par l’éditeur Hetzel, sans mention de traducteur. Le prince Golitsyne refusa que son nom soit associé à la publication d’une version non tronquée. C’est la traduction Hetzel, légèrement remaniée, que nous reproduisons ici.

Dimitri Roudine

Roudine parut dans les numéros de janvier et février 1856 du Contemporain et fut repris en 1860 dans l’édition de ses Œuvres complètes, chez N. A. Osnovski – Tourguéniev ajouta à cette occasion un second épilogue.

Traductions de Dimitri Roudine

Dimitri Roudine, suivi du Journal d’un homme de trop et de Trois rencontres, trad. par Louis Viardot en collaboration avec l’auteur, Paris, Hetzel, 1862.
Roudine, suivi d’Hymne au triomphe de l’amour, trad. par Marc Semenoff, Paris, Plon, 1924.
Roudine, suivi de Assia et de Pounine et Babourine, trad. par Michel-Rostislav Hofmann, Paris, Bordas, 1949.
Roudine, trad. par Édith Scherrer, dans Romans et nouvelles complets (voir infra).

Bibliographie

Œuvres en russe

Polnoe sobranie socinenij i pisem, 30 vol., Socinenija, 12 vol., Pis’ma, 18 vol., Moscou, Académie des Sciences de Russie, 1978-2000.

Œuvres en français

 Nouveaux poèmes en prose, trad. Charles Salomon, Paris, Schiffrin, 1930.
« Poèmes en prose », trad. Charles Salomon, in Bulletin de la Société d’études des Hautes-Alpes, Gap, 1931 ; rééd. Paris, Didier, 1946.
Théâtre complet, trad. Georges Daniel, Paris, L’Arche, 2 vol., 1964.
Romans et nouvelles complets, trad. Françoise Flamant, Henri Mongault et Édith Scherrer, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 3 vol., 1981-1986.

Correspondance

Lettres à Madame Viardot, trad. par Ely Halpérine-Kaminsky, Paris, Fasquelle, 1907.
Lettres inédites à Pauline Viardot et à sa famille, Henri Granjard et Alexandre Zviguilsky (éd.), Lausanne, L’Âge d’homme, 1972.
Nouvelle Correspondance inédite, A. Zviguilsky (éd.), 2 vol., Paris, Librairie des cinq continents, 1971-1972.
Gustave Flaubert, Ivan Tourguéniev, Correspondance, Paris, Flammarion, 1989.

Ouvrages critiques

Seeley Frank Friedeberg, Turgenev : A Reading of his Fiction, Cambridge, Cambridge University Press, 1991.
Costlow Jane Tussey, Worlds within Worlds : the Novels of Ivan Turgenev, Princeton, Princeton University Press, 1990.
Nabokov Vladimir, « Tourguéniev », in Littératures II, Paris, Fayard, 1985.
Schapiro Leonard, Turgenev, His Life and Times, Oxford, Oxford University Press, 1978.
Granjard Henri, Ivan Tourguéniev et les courants politiques et sociaux de son temps, Paris, Institut d’études slaves de l’Université de Paris, 1954.
Parturier Maurice, Une amitié littéraire, Prosper Mérimée et Tourguéniev, Paris, Hachette, 1952.
Bourget Paul, « Tourguéniev », in Nouveaux Essais de psychologie contemporaine, Paris, Lemerre, 1886 ; rééd. in Essais de psychologie contemporaine, Paris, Gallimard, 1993.
De Vogüé Eugène-Melchior, Le Roman russe, Paris, Plon, Nourrit et Cie, 1886 ; rééd. Lausanne, L’Âge d’homme, 1971.

À signaler également, les Cahiers Ivan Tourguéniev, Pauline Viardot et Maria Malibran, Paris, Association des amis d’Ivan Tourguéniev, Pauline Viardot et Maria Malibran, premier volume publié en 1977.