Paul Léautaud

Paul Léautaud aux éditions Sillage :

1872 : Naissance de Paul Léautaud à Paris, le 18 janvier. Il est le fils unique d’un couple non marié, composé de Firmin Léautaud, régisseur et acteur de théâtre, et de Jeanne Forestier, de vingt ans plus jeune que lui. Firmin Léautaud était auparavant en ménage avec Fanny Forestier, sœur aînée de Jeanne, avec qui il eut une fille, Hélène. Jeanne Forestier abandonne son fils les jours suivant sa naissance.

1874 : Firmin Léautaud engage une bonne, Marie Pezé, qui fera également office de nourrice pour son fils. Elle s’attache beaucoup à l’enfant et tâche d’empêcher qu’il ne soit témoin des liaisons de son père.

1876 : Paul entre à l’école protestante. Sa mère, devenue actrice, l’emmène pour la première fois au théâtre, à la Comédie-Française. Ce sera l’une de leurs rares rencontres. Son père, devenu souffleur à la Comédie-Française, l’emmène régulièrement au théâtre avec lui.

1880 : Son père se met en ménage avec une jeune fille de seize ans, Louise Viale, et renvoie Marie Pezé, que cette relation scandalise. Fanny Forestier s’occupe de son neveu, dont elle restera proche.

1882 : Déménagement à Courbevoie. Paul entre à l’école communale et rencontre Adolphe Van Bever ; leur amitié durera jusqu’au décès de ce dernier, en 1927. Décès d’Hélène, sa demi-sœur.

1884 : Naissance de Maurice, son demi-frère, issu de la relation entre son père et Louise Viale, qui finiront par se marier en 1895.

1887 : Paul obtient son certificat d’études. Il travaille comme apprenti à la Compagnie des Indes ; son père confisque l’essentiel de son salaire.

1888 : Il exerce divers emplois mineurs dans une fabrique de lessive, puis pour une marque d’eau minérale et une compagnie d’assurances.

1889 : Début d’une liaison avec Jeanne Marié, sœur de son ami d’enfance Léon Marié. Il travaille quelques mois pour le journal La République française, dirigé par Joseph Reinach et Jules Ferry.

1890 : Toujours sans emploi stable, il quitte la maison paternelle pour s’installer un temps avec Jeanne Marié dans un petit logement qu’elle occupe à Paris, avant de s’installer seul dans une mansarde de la rue Monsieur-le-Prince.

1891 : Il écrit quotidiennement une centaine de vers. Il continue de voir Jeanne Marié, qui a pourtant rencontré un nouvel amant. Sans situation stable, il se laisse convaincre par son père de s’enrôler. Engagé volontaire pour trois ans dans les chasseurs à pied, il entre à la caserne de Courbevoie, où il occupe un emploi de bureau.

1892 : Après avoir passé trois mois au Val-de-Grâce pour des troubles cardiaques, il est réformé pour sa mauvaise vue. Rupture définitive avec Jeanne Marié. Il trouve une place dans une ganterie ; son salaire lui permet de quitter le domicile de son père, avec qui la relation est plus que jamais difficile, et de louer une chambre à Paris. Il fait paraître une revue à l’existence éphémère, Les Indépendants, avec Adolphe Van Bever et le soutien financier de sa marraine, Blanche Boissard, actrice à la Comédie-Française.

1893 : Il publie des poèmes dans Le Courrier français sur son amour malheureux pour Jeanne Marié. Début de l’écriture de son Journal littéraire.

1894 : Découverte de Stendhal, qui deviendra l’un de ses auteurs de prédilection et dont il éditera plusieurs textes au Mercure de France. Il trouve une place de troisième clerc dans l’étude du notaire Barberon.

1895 : Publication d’une élégie dans la revue du Mercure de France. Il tombe amoureux de la pupille de son père, Georgette.

1896 : En juin, parution de son Essai de sentimentalisme dans la revue du Mercure de France. Il devient un proche de son directeur, Alfred Vallette.

1897 : Parution du deuxième Essai de sentimentalisme en avril dans le Mercure. Il fréquente les milieux littéraires et rencontre Mallarmé, Rodenbach et Remy de Gourmont. Il noue une amitié avec Paul Valéry. Au Mercure, il fait la connaissance de Rachilde, Jean de Tinan et Jarry.

1898 : Début d’une liaison avec Blanche Blanc.

1900 : Parution de Poètes d’aujourd’hui, 18801900, anthologie conçue avec Adolphe Van Bever.

1902 : En automne, son premier roman, Le Petit Ami, est publié dans la revue du Mercure. Il quitte l’étude Barberon pour une place lucrative chez un liquidateur judiciaire, M. Lemarquis.

1903 : Georgette, qu’il a continué de voir en dépit de sa liaison avec Blanche Blanc, quitte la France pour l’Angleterre, ce qui l’affecte profondément. Parution en volume du Petit Ami. Son père meurt le 27 février.

1904 : Début d’une amitié avec Marcel Schwob. Relation ambiguë avec Marguerite Moreno.

1905 : Publication de In Memoriam en deux livraisons dans la revue du Mercure de France. Il signe pour la première fois, dans cette même revue, une chronique théâtrale du nom de Maurice Boissard.

1906 : Publication de Amours dans le Mercure de France. Il a le projet de regrouper In Memoriam et Amours sous le titre Le Passé indéfini. Après avoir réussi à amasser un peu d’argent en participant à des liquidations importantes, il quitte son emploi auprès de M. Lemarquis et se consacre exclusivement à son activité littéraire.

1907 : Son capital s’épuisant plus vite que prévu, il cherche une nouvelle situation. Il commence à rédiger régulièrement des chroniques dramatiques pour le Mercure de France. Remy de Gourmont lui propose une place d’employé aux éditions du Mercure, qu’il accepte après beaucoup d’hésitations. Il renonce au dernier moment à faire paraître Le Passé indéfini, qu’il juge inachevé.

1909 : La relation avec Blanche se dégrade.

1911 : Sa passion pour les animaux le conduit à rencontrer Anne Cayssac, avec qui il aura une relation sentimentale orageuse à partir de 1914 et qu’il surnommera le Fléau.

1912 : Sa relation avec Blanche se termine. Il recueille des dizaines de chats et de chiens dans son pavillon de la rue Guérard, à Fontenay-aux-Roses, racheté à Blanche qui y avait fondé une pension de famille. Il y vivra jusqu’en janvier 1956, quelques semaines avant sa mort.

1914 : Le début de la guerre ne suscite en lui aucun élan patriotique. À l’approche des troupes allemandes, il fuit Paris avec Anne Cayssac et se réfugie à Pornic. Retour à Paris en décembre.

1915 : Du fait de la guerre, son salaire au Mercure se trouve nettement diminué. Grandes difficultés financières.

1916 : Décès de sa mère.

1920 : Suite aux réclamations de lecteurs et à des plaintes de Rachilde, Léautaud perd son poste de chroniqueur théâtral dans la revue du Mercure, mais Alfred Vallette crée pour lui la Gazette d’hier et d’aujourd’hui.

1921 : Sur proposition de Jacques Rivière, Léautaud obtient la rubrique théâtrale de la Nouvelle Revue Française. Il démissionne deux ans plus tard, refusant de supprimer un passage d’une de ses chroniques.

1922 : Colette, qui travaille pour l’éditeur Ferenczi, Félix Fénéon, aux éditions de la Sirène, ou encore Bernard Grasset demandent des textes à Léautaud. Il ne leur en écrit pas. Rencontre pour la première fois Marie Dormoy dans les bureaux du Mercure.

1923 : Il accepte de prendre la rubrique théâtrale des Nouvelles littéraires. Il démissionne après quelques mois plutôt que d’accepter de supprimer une phrase antimilitariste qui déplaît à la rédaction.

1924 : Relation tumultueuse avec Anne Cayssac. La mort du mari de cette dernière les rapproche brièvement.

1925 : Léautaud trompe Anne Cayssac avec une femme nettement plus jeune que lui. Il met un terme à cette liaison lorsqu’Anne Cayssac la découvre.

1927 : Mort de son ami Adolphe Van Bever.

1929 : Publication de Passetemps.

1930 : Premier projet de contrat avec Vallette pour la publication du Journal. Il fait la connaissance de l’abbé Mugnier.

1931 : Rencontre Julien Benda.

1932 : Aragon est poursuivi pour son poème Front rouge. Léautaud signe une pétition des Surréalistes en sa faveur. Marie Dormoy, directrice de la bibliothèque littéraire Jacques Doucet depuis la mort du collectionneur en 1929, tente de le convaincre de vendre son Journal littéraire à la bibliothèque.

1933 : Signature d’un contrat avec le Mercure pour la publication de son Journal littéraire. En janvier, début d’une longue liaison avec Marie Dormoy, qu’il fréquente parallèlement à Anne Cayssac.

1934 : Parution d’une brève suite d’aphorismes sous le titre Amour. Ils sont principalement tirés du Journal particulier qu’il tient de sa relation avec Marie Dormoy.

1935 : Mort d’Alfred Vallette. Georges Duhamel devient le directeur du Mercure de France. Vivement encouragé par Marie Dormoy, Léautaud travaille à la mise au net de son Journal afin qu’il puisse être dactylographié, et prépare pour le Mercure un choix d’extraits des années 1905, 1906 et 1907.

1938 : Léautaud accepte, à la demande de Jean Paulhan, de reprendre la chronique dramatique dans la Nouvelle Revue Française. Georges Duhamel abandonne la direction du Mercure de France ; il est remplacé par Jacques Bernard.

1939 : Ses chroniques paraissent en janvier dans la N.R.F., mais cessent trois mois plus tard, suite à un conflit avec une partie de l’équipe de la revue. Fin de sa liaison avec Marie Dormoy, qui restera sa plus proche amie et l’accompagnatrice infatigable de la publication du Journal.

1940 : Publication d’extraits du Journal au Mercure de France. Il reprend la chronique dramatique de la N.R.F. à la demande de Drieu la Rochelle.

1941 : Une seule des ses chroniques dramatiques est autorisée à la publication par Drieu la Rochelle. Léautaud est licencié du Mercure par Jacques Bernard. Sans ressources, il vit dans un grand dénuement.

1942 : Jean Loize organise, dans sa galerie, une exposition pour le soixante-dixième anniversaire de Léautaud. La publication de quelques extraits du Journal dans la N.R.F. et dans Comœdia, ainsi qu’une petite pension attribuée par le ministère de l’Éducation nationale, lui permettent de survivre.

1943 : Marie Dormoy parvient enfin à faire acheter par la bibliothèque Jacques Doucet une première partie du manuscrit du Journal. Léautaud reçoit 45.000 francs. La deuxième partie sera rachetée en 1950, pour 110.000 francs.

1944 : Son pacifisme et son anti-patriotisme lui font regarder avec méfiance l’enthousiasme qui suit la Libération.

1945 : Léautaud est très affecté par la mort de Paul Valéry. Arrestation de Jacques Bernard, directeur du Mercure durant l’Occupation. Léautaud refusera de témoigner à charge durant son procès.

1947 : La publication de la revue du Mercure reprend ; des extraits du Journal y sont publiés.

1948 : Il fait paraître à compte d’auteur une courte brochure intitulée Petit Débat littéraire, des suites d’une dispute avec Georges Duhamel.

1949 : Mort d’Anne Cayssac en avril. Quelques mois plus tard, Léautaud brûle certains de ses manuscrits, parmi lesquels une version remaniée d’In Memoriam, ainsi que de nombreuses lettres.

1950-1951 : Les entretiens radiophoniques de Léautaud avec Robert Mallet rencontrent un très vif succès et le font connaître du grand public. Quarante-trois entretiens sont réalisés, au lieu des dix initialement prévus. Gallimard en publie la transcription en 1951. Cette réussite inattendue améliore nettement sa situation financière.

1952 : Pour ses quatre-vingts ans, le Mercure lui rend hommage en lui dédiant un numéro spécial.

1954 : Début de l’édition complète du Journal littéraire avec un premier volume qui paraît en automne. Les ventes sont très bonnes. La publication, en dix-neuf volumes, s’étalera jusqu’en 1966.

1955 : Procès avec la maison d’édition Plon au sujet d’un manuscrit volé. Léautaud est défendu par l’avocat Maurice Garçon. Son état de santé se dégrade.

1956 : Il continue de s’affaiblir, et sa vue baisse dangereusement. Sur l’avis de son médecin, il se résout à quitter son pavillon de Fontenay-aux-Roses, qu’il habitait depuis 1912. Il confie ses deux derniers chats à des amis et se rend à la Vallée-aux-Loups, maison de santé dirigée par le docteur Le Savoureux, où il meurt dans son sommeil le 22 février.


Repères bibliographiques

Œuvres littéraires 

Le Petit Ami, Paris, Mercure de France, 1903.

Chronique dramatique. « Ma Pièce préférée » (sous le pseudonyme de Maurice Boissard), Abbeville, F. Paillard (impr.), 1923.

Chronique dramatique. « Madame Cantili », suivi de Mots, propos et anecdotes (sous le pseudonyme de Maurice Boissard), Paris, La Centaine, 1925.

Chroniques. « L’Alphabet des lettres », Paris, La Cité des livres, 1925.

Villégiature, suivi de Un livre sur Paris (sous le pseudonyme de Maurice Boissard), Paris, Éditions de la Belle page, 1926.

Le Théâtre de Maurice Boissard, 19071923, Paris, Gallimard, 1926.

Gazette d’hier et d’aujourd’hui. Petit supplément à une gazette scandaleuse, Paris, La Centaine, 1928.

Mélange. Souvenirs de Basoche. Ménagerie intime. Amour. Femmes, etc., Paris, Éditions de la Belle Page, 1928.

Passetemps, Paris, Mercure de France, 1929.

Amour, Paris, Éditions Spirale, 1934.

Amour : aphorismes, Paris, Mercure de France, 1939.

Notes retrouvées, Paris, J. Haumont, 1942.

Propos d’un jour, Paris, Mercure de France, 1947.

Entretiens avec Robert Mallet (retranscription d’entretiens radiophoniques), Paris, Gallimard, 1951.

Œuvres. Le Petit Ami, précédé d’Essais et suivi de In Memoriam et Amours, Paris, Mercure de France, 1956.

Le Théâtre de Maurice Boissard, 2 tomes (I : 1907-1914. II : 1915-1941), Paris, Gallimard, 1958.

Bestiaire, Paris, Grasset, 1959.

Poésies, Paris, Le Bélier, 1963.

Le Petit Ouvrage inachevé, Paris, Le Bélier, 1964.

Essais

Poètes d’aujourd’hui, 18801900, anthologie, Paul Léautaud et Adolphe Van Bever (éds.), Paris, Mercure de France, 1900. Deux éditions augmentées paraîtront au Mercure de France : en 1908 (2 vol.) et en 1929 (3 vol.).

Henri de Régnier, biographie, Paris, E. Sansot, 1904.

Adolphe Van Bever, Paris, Champion, 1927.

MarlyleRoy et environs, Paris, Éditions du Bélier, 1945.

Journal

L’édition de référence du Journal de Léautaud a paru au Mercure de France, en 19 volumes, sous le titre Journal littéraire 18931956, entre 1954 et 1966.

De nombreux fragments en avaient été publiés en revue, notamment dans la revue du Mercure et dans la N.R.F. Certains fragments avaient fait l’objet de publication en plaquette. Citons :

Journal littéraire, fragments sur Remy de Gourmont, 18971905, Paris, Champion, 1926.

Georgette. Journal littéraire, 1903, suivi de Petites notes sur Alfred Vallette et de Fagus, Bruxelles, Éditions de la « Nouvelle revue Belgique », 1942.

Journal littéraire, fragment, 1946, Paris, L’Originale, 1948.

Son Journal particulier, rendant compte de sa vie intime et tenu à part, a fait l’objet de plusieurs publications :

Journal particulier, 2 tomes (I : 1917-1924. II : 1925-1950), Monte-Carlo, Éditions du Cap, 1956.

Journal particulier : 1933, Paris, Mercure de France, 1985.

Le Fléau : journal particulier, 19171930, suivi d’un fragment inédit, 1932, Paris, Mercure de France, 1989.

Journal particulier : 1935, Paris, Mercure de France, 2012.

Correspondance

Lettres à Paul Valéry, Rachilde, Marcel Schwob, Adolphe Paupe, Ch.H. Hirsch, Remy de Gourmont, Marie Laurencin, André Gide, André Billy, Paul Morisse, André Rouveyre, Guillaume Apollinaire, etc. 19021918, Paris, Éditions Mornay, 1929.

Lettres à ma mère, Paris, Mercure de France, 1956.

Lettres à Marie Dormoy, Paris, Albin Michel, 1966.

Paul Léautaud André Billy. Correspondance 19121955, Paris, Le Bélier, 1968.

Correspondance générale de Paul Léautaud. 18781956, Marie Dormoy (éd.), Paris, Flammarion, 1971.

Études critiques

Suarès, André, Portrait de Paul Léautaud, Paris, Librairie universelle, 1951.

Dormoy, Marie, Léautaud, Paris, Gallimard, 1958.

Dormoy, Marie, Paul Léautaud. Images et textes, Paris, Mercure de France, 1969.

Dormoy, Marie, La Vie secrète de Paul Léautaud, Paris, Flammarion, 1971.

Mahieu, Raymond, Paul Léautaud : la recherche de l’identité, 18721914, Paris, Minard, 1974.

Harding, James, Lost illusions : Paul Léautaud and his world, Londres, Allen & Unwin, 1974.

Silve, Édith, Paul Léautaud et le Mercure de France : chronique publique et privée : 19141941, Paris, Mercure de France, 1985.

Francq, Henri G. Portrait of a misanthrope, Sherbrooke, Naaman, 1987.

Sagaert, Martine, Paul Léautaud, Lyon, La Manufacture, 1988.

Delerm, Philippe, Maintenant, foutezmoi la paix !, Paris, Mercure de France, 2005.

Koster, Serge, Léautaud tel qu’en moimême, Paris, Léo Scheer, 2010.

Mentionnons également les Cahiers Paul Léautaud, publication de l’Association pour l’étude de Paul Léautaud et des revues littéraires de son époque, n° 1-n° 48, Paris, 1987-2010.