Michel Evgrafovitch Saltykov-Chtchédrine

Michel Evgrafovitch Saltykov-Chtchédrine aux éditions Sillage :

saltykov1826 : Le 27 janvier, naissance de Michel Evgrafovitch Saltykov dans le village de Spas-Ougol (province de Tver). Il est le sixième enfant d’Olga Mikhaïlovna Zabélina, fille d’un marchand anobli, et d’Evgrav Vassiliévitch Saltykov. Son père, gentilhomme retiré sur ses terres, est un quinquagénaire lunatique, dévot ; ayant délégué la gestion de ses affaires à son épouse, il passe l’essentiel de son temps cloîtré dans sa bibliothèque.

1836 : En août, il est envoyé dans l’une des écoles les plus réputées de Russie, la pension Noble, à Moscou. En 1838, il est reçu au Lycée Impérial de Tsarskoïé Sélo.

1841 : Il publie un poème dans une revue littéraire pétersbourgeoise, et commence à fréquenter les salons littéraires de la capitale, où il est reçu malgré son jeune âge.

1844 : En juin, il sort du Lycée Impérial sans résultats notables, et est affecté au ministère de la Guerre. Proche des cercles libéraux, il lit George Sand, les socialistes utopiques français et les revues de tendance occidentale.

1847 : Il publie des notes de lecture dans Le Contemporain et Les Annales de la patrie, ainsi qu’une nouvelle dans cette dernière revue.

1848 : Après la chute de Louis-Philippe en France, la censure redouble de vigilance. La publication d’Une affaire embrouillée, récit satirique, dans Les Annales de la patrie, lui vaut d’être arrêté le 3 mai puis d’être envoyé en exil à Viatka (aujourd’hui Kirov), où il reçoit un emploi de copiste.

1848-1855 : Durant ses huit années d’exil, Saltykov, travailleur énergique, obtient un avancement rapide et découvre la Russie profonde, la corruption de l’administration et les tensions à l’œuvre dans le monde paysan. Ses fréquentes suppliques adressées à l’Empereur pour quitter la ville restent lettre morte.

1851 : En mars, mort de son père. Ce n’est qu’en 1853 qu’il obtient un congé pour se rendre dans son village natal. Dans les années qui suivent, ses frères se livrent à une cour acharnée auprès de leur mère, espérant chacun obtenir à sa mort la meilleure part du domaine des Saltykov. On trouve l’écho de ces querelles dans les Golovlev.

1854 : En octobre, Saltykov est chargé d’une enquête dans les milieux vieux-croyant. Il la mène avec un zèle inquisiteur, sans qu’il soit possible de dire s’il est animé par le désir de se faire bien voir – son exil lui est insupportable – ou par son dégoût de l’obscurantisme. Il fait emprisonner un moine nommé Chtchédrine, à qui il empruntera peut-être son pseudonyme (Chtchédry signifie « généreux » en russe).

1855 : Le 2 mars, mort de Nicolas Ier. Son successeur, Alexandre II, entreprend de réformer le pays, mais il revient peu à peu à un mode de gouvernement très réactionnaire, qui exaspère Saltykov.

1856 : Saltykov, qu’on a enfin laissé libre du choix de son lieu de résidence, s’installe à Saint-Pétersbourg. Le 18 juin, il épouse Élisabeth Apollonovna Boltine, fille du gouverneur de Viatka. En août, il publie dans Le Messager russe, une revue libérale moscovite, les Esquisses provinciales. Reprises en recueil, ces nouvelles satiriques sur la province russe rencontrent un grand succès.

1858 : Saltykov s’installe à Riazan, où il a été nommé vice-gouverneur. Il travaille avec acharnement et tient un salon où se rassemble la société libérale. En avril 1860, il est nommé à Tver.

1861 : Abolition du servage en février. Des révoltes paysannes se produisent, qui provoquent l’intervention brutale des troupes impériales.

1862 : Saltykov démissionne de ses fonctions administratives. Après avoir échoué à mettre sur pied une ferme modèle puis à lancer sa propre revue, il collabore au Contemporain, alors dirigé par le poète Nekrassov. Deux ans plus tard, lassé par des querelles internes et peut-être aussi parce que son indépendance d’esprit attire trop l’attention de la censure, il reprend du service en tant que président de la Chambre des finances de Penza.

1866 : Suite à l’attentat de Karakozov contre le tsar le 16 avril, la censure s’exerce avec une sévérité accrue. Le Contemporain est interdit et Les Annales de la patrie suspendues. En novembre, Saltykov est nommé à Toula.

1867 : De nouveau muté à Riazan, il fait paraître les Lettres de province dans Les Annales de la patrie.

1868 : Saltykov, dont la carrière est marquée par de violents conflits avec ses supérieurs, et dont le regard de plus en plus critique sur la société russe provoque un mécontentement croissant des autorités, prend sa retraite, nanti d’une confortable pension annuelle et s’installe à Saint-Pétersbourg. Nekrassov l’appelle à la rédaction des Annales de la patrie. Il y publie L’Histoire d’une ville au cours de l’année suivante.

1872 : Naissance de son fils Constantin. Il commence à rédiger pour Les Annales de la patrie une série de récits, les Propos bien intentionnés.

1873 : Naissance de sa fille Élisabeth. Parution du Journal d’un provincial à Saint-Pétersbourg.

1874 : En décembre, mort de sa mère, qui inspire sans doute en partie le personnage d’Arina Petrovna Golovleva.

1875 : En voyage à Paris, il écrit les 15e et 16e livraisons de ses Propos bien intentionnés, qui constitueront les deux premiers chapitres des Golovlev. Gontcharov et Tourguéniev l’encouragent à écrire un « grand roman » à partir de ces fragments.

1876 : En mars, parution dans Les Annales de la patrie du Bilan d’une famille, futur troisième chapitre des Golovlev. Il conçoit le plan général de l’ouvrage au printemps et pense en avoir terminé en août. En fait, le roman ne sera achevé qu’en mai 1880.

1878 : Après la mort de Nekrassov, Saltykov devient rédacteur en chef des Annales de la patrie.

1881 : Mort d’Alexandre II dans un attentat. Son successeur, Alexandre III, durcit la lutte contre ses opposants.

1884 : Interdiction définitive des Annales de la patrie. Saltykov, très affecté, écrit quelques articles et récits pour le Courrier de l’Europe, de tendance libérale, mais se désintéresse peu à peu de la politique.

1886-1889 : Malgré une dégradation inquiétante de son état de santé, il travaille à de nombreux contes et à un ultime roman, Le Bon Vieux Temps (Pochékhonie d’autrefois). Il meurt le 10 mai 1889. Venue rendre hommage à l’irréductible adversaire de l’autocratie, une foule immense assiste à son enterrement.
 

Bibliographie

 

Œuvres

Sobranie socinenij, 20 vol., Moscou, Hudoïeztvennaâ literatura, 1965-1977.

Le roman Les Golovlev parut en sept livraisons dans Les Annales de la patrie d’octobre 1875 à mai 1880, avant d’être repris en volume en 1880.

Traductions des Golovlev

Les Messieurs Golovleff, traduit par Marina Polonsky et Georges Debesse, Paris, A. Savine, 1889.
Les Golovlev, traduit par Sylvie Luneau, collection Les Classiques russes, Paris, Gallimard, 1949.
La Famille Golovlev, traduit par Sonia Adrien et Gaston Cohen, Paris, Les Éditeurs français réunis, 1955.

Autres œuvres traduites

L’Amie de l’ancien gouverneur, nouvelle traduite par O’Farell, Paris, Librairie des bibliophiles, 1881.
Trois Contes russes, traduits par O’Farell, Paris, Librairie des bibliophiles, 1881.
Berlin et Paris, voyage satirique à travers l’Europe. La conscience perdue, traduit par Michel Delines, Paris, L. Westhausser, 1887.
Pochékhonie d’autrefois : vie et aventures de Nikanor Zatrapézny, traduit par Marina Polonsky et Georges Debesse, Paris, A. Savine, 1892.
« Les Solliciteurs », extrait traduit par E. Duchesne, in Revue des études franco-russes, Paris, mars 1911.
Histoire d’une ville – Les Golovlev – Quatre contes – Deux récits, in Nicolas Leskov / M. E. Saltykov-Chtchédrine, Œuvres, Sylvie Luneau et Louis Martinez éd., Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1967.
Histoire d’une ville, traduit par Louis Martinez, Paris, Gallimard, Folio, 1994.
Le Bon Vieux Temps [Pochékhonie d’autrefois], traduit par Luba Jurgenson, Lausanne, L’Âge d’homme, 1997.

Études sur Saltykov-Chtchédrine

Bielik Catherine, « Saltykov-Shchedrin et la religion », in Cahiers du monde russe et soviétique, n° 29/3-4, Paris, Éditions de l’École pratique des hautes études, 1988.
Woroszylski Wiktor, Mikhaïl Saltykov-Chtchédrine, in Histoire de la littérature russe. Le XIXe siècle, tome II, Le temps du roman, sous la direction de E. Etkind, G. Nivat, I. Serman et V. Strada, Paris, Fayard, 2005, p. 824-848.