Veijo Meri

Veijo Meri aux éditions Sillage :

Veijo Meri est né en 1928 à Viipuri, dans cette partie de la Carélie que la Finlande dut céder à l’URSS après la dernière guerre. Il a passé la majeure partie de son enfance dans une garnison – son père était officier – où il a pu se familiariser avec les histoires de soldats et l’art de les raconter. Ces récits dénonçant l’absurdité de la guerre ont nourri une grande partie de son œuvre et ont fait de lui un conteur très populaire et novateur dans une littérature où le patriotisme avait jusque-là emprunté un style emphatique, voire ampoulé.

Depuis les années 1950, Meri a excellé dans plusieurs genres littéraires : roman (Irralliset, « Les Sans-attaches », 1959), nouvelle (Naulalaatikot, « Les Boîtes de clous », 1962), et théâtre (Sotamies Jokisen Vihkiloma, « Le Congé de mariage du soldat Jokinen », 1965). On lui doit également des poésies, des essais (Goethen Tammi, « Le Chêne de Goethe », 1978), des traductions (Shakespeare, Strindberg, Villon) et un livret d’opéra.

Il s’est distingué ces dernières années par des biographies et des ouvrages historiques, dans lesquels son style diffère, là encore, de celui de ses contemporains. Il met en valeur des épisodes insolites et cocasses ; les récits, imbriqués les uns dans les autres, sont riches en péripéties surprenantes. Parmi ses traductions – ou faudrait-il dire adaptations libres ? – ce sont peut-être celles de François Villon qui ont provoqué les discussions les plus vives. Veijo Meri a quoi qu’il en soit mis en évidence les profondes affinités existant entre l’auteur et son traducteur.

Veijo Meri manie la langue finnoise d’une manière particulièrement moderne et vivante – à tel point qu’on a voulu le classer parmi les auteurs du « nouveau roman » finlandais. Mais son œuvre ne peut se laisser enfermer dans une catégorie. Ainsi a-t-il élaboré un très vivant dictionnaire étymologique du finnois, et fait revivre quelques gloires nationales, tels l’écrivain Aleksis Kivi ou le légendaire maréchal Mannerheim.

Ses publications, traduites en plus de vingt langues, se comptent par dizaines ; de nombreux prix littéraires lui ont été décernés, parmi lesquels le Grand Prix de Littérature du Conseil Nordique. Les distinctions n’ont cependant pas fait de lui un monstre sacré, et il est aujourd’hui l’un des auteurs les plus appréciés en Finlande.


Note historique

 

Une histoire de corde fait écho à un épisode de la Seconde Guerre mondiale souvent mal connu des lecteurs français. Même si la connaissance de faits précis n’est en rien nécessaire pour apprécier les qualités littéraires du roman de Veijo Meri, il nous a semblé opportun de donner ici quelques informations relatives aux guerres russo-finlandaises, au cours desquelles les Allemands intervinrent aux côtés des Finlandais.

La Finlande n’avait pu se libérer de la tutelle russe qu’à la faveur de la Révolution de 1917. La jeune République se montrait donc très méfiante à l’égard de son puissant voisin. La Carélie, région du sud-est de la Finlande dont est originaire Veijo Meri, fut longtemps objet de convoitise pour la Russie soviétique, et dès les années 30 Staline forma des projets d’annexion.

En octobre 1939, Staline exigea du gouvernement finlandais qu’il lui cédât une partie de l’isthme de Carélie et lui louât la presqu’île d’Hanko, à l’entrée du golfe de Finlande, pour y établir une base militaire. Staline alléguait sa crainte de voir une puissance étrangère attaquer l’URSS en passant par la Finlande. Les Finlandais ne pouvaient que douter de son entière bonne foi ; de telles cessions auraient par ailleurs considérablement affaibli leur défense, et ouvert la voie à une invasion. Des négociations s’ensuivirent, laissant le temps aux Finlandais d’effectuer leur mobilisation générale. Le 30 novembre 1939 éclatait la guerre d’Hiver : les troupes russes attaquèrent la Finlande sur toute l’étendue de sa frontière. Malgré une résistance héroïque, la défense finlandaise fut débordée en Carélie en février 1940.

Le traité de paix fut signé le 13 mars 1940 à Moscou. La Finlande cédait à l’URSS d’importantes parties de son territoire (la Carélie et une partie de la Laponie). Elle dut faire face à un afflux de réfugiés représentant 11% de sa population totale. Peu de temps après l’annexion des pays baltes par l’URSS, Molotov évoqua une probable annexion de la Finlande. L’isolement diplomatique des Finlandais était alors presque complet ; seule l’Allemagne était disposée à leur apporter son aide et en mesure de le faire.

En août 1940, Hitler demanda à la Finlande un droit de transit pour ses transports militaires à destination de la Norvège. Un protocole fut signé, à la suite duquel Hitler assura le pays de son soutien en cas d’attaque soviétique. Quand l’Allemagne attaqua l’URSS en juin 1941, des troupes allemandes s’étaient massées en Laponie. Malgré les pressions de Hitler, la Finlande refusa d’attaquer l’URSS, ne désirant que répondre à une éventuelle agression.

Les avions allemands qui bombardaient Leningrad empruntaient l’espace aérien finlandais, et Staline n’ignorait rien du stationnement de troupes allemandes en Finlande. Aussi l’attaque de l’Armée rouge ne se fit-elle pas attendre : le 25 juin le pays fut déclaré en état de guerre.

Cette alliance militaire avec l’Allemagne nazie était probablement la seule solution pour préserver l’indépendance de la Finlande à l’égard de la Russie, et éviter que son territoire ne devînt un simple champ de bataille où se seraient affrontées les deux grandes puissances. Cette décision, si contestable qu’elle puisse paraître, ne s’accompagna d’aucun changement politique en Finlande, qui resta une démocratie pendant toute la durée de la guerre. Les troupes finlandaises purent reconquérir les territoires perdus en 1940, et s’avancer en Carélie orientale. Toutefois, le gouvernement finlandais n’eut de cesse de considérer cette guerre comme purement défensive, et refusa toutes les propositions des Allemands visant à les faire participer à des opérations plus avant en territoire russe, contre Leningrad notamment.

L’offensive finlandaise s’arrêta en décembre 1941, et la ligne de front demeura stable jusqu’en juin 1944. Staline déclencha alors des opérations de grande envergure en Carélie, qui se soldèrent par la signature d’un armistice dicté par Moscou en septembre 1944. Les Finlandais durent pourtant chasser eux-mêmes les troupes allemandes, qui ne se retirèrent qu’après des mois de combat et le saccage de la Laponie.

Les conditions de l’armistice avec la Russie étaient particulièrement dures. La frontière recula de nouveau jusqu’aux limites fixées par le traité de Moscou en 1940. Il fallut en outre consentir à l’URSS le couloir de Petsamo, seul accès de la Finlande à l’océan Arctique, et une très lourde indemnité de guerre, ce que confirma en 1947 le traité de Paris.

Le pays était diminué, ruiné, mais avait réussi à préserver son indépendance ; il parvint par la suite à se maintenir à l’écart de la Guerre froide.